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  • Photo du rédacteurMlle Miroir d'Equinoxe

Un pas après l'autre

« Dix-huit heures était passé que des mots arrivaient encore : dépitée, elle regarda les zèbres insouciants batifoler et se prit à rêver à les imiter, en toute inconséquence. »

Nan, ca ne collait pas, personne ne pourrait comprendre l’allusion aux zèbres. Et puis à Paris, les zèbres, c’était pas courant. Enfin, les vrais. Et puis c’est pas très sexy un zèbre. Sauf si on est sapiosexuelle, mais du coup le zèbre-sujet n’était plus le même. Ecrire un érotico-psycho-porno démentiel était quand même un sacré défi, on allait encore lui dire qu’elle avait essayé de vendre chat en poche alors qu’elle avait simplement osé avoir l’Espoir d’y parvenir. Son leitmotiv depuis quelques jours était assez simple : arrêter de procrastiner et réussir à boucler ce fichu bouquin. Sauf qu’écrire assise quand on a mal au coccyx, ce n’est pas chose aisée. Ecrire, c’est laisser libre cours à son imagination, c’est ouvrir et partager les vannes de sa créativité, mais aucun abandon quand on a mal au fio… Non, encore une digression en rime qui lui échappait par inadvertance, il fallait vraiment qu’elle arrête, déjà la dernière fois au boulot avec « opercule » elle s’était retenu juste à temps… Ecrire debout, elle ne savait pas faire. Investir dans un dictaphone aurait pu être la solution, mais il aurait fallu embaucher quelqu’un ensuite pour la frappe, et elle n’en avait pas les moyens…


« Arrête de digresser, et essaye d’écrire bordel de jarnicoton ! » Ecrire, oui, mais quoi ?


En plus, écrire sans savoir vraiment où l’on veut mener le lecteur, ce n’est pas chose aisée, comme des racines de pissenlit qui ne sauraient pas par où pousser. Surtout que dans sa tête, il n’y avait ni case ni ligne ni plan, juste un énorme amoncellement de fils conducteurs et d’idées, un peu comme l’intérieur d’un cucurbitacée avant transformation en lanterne d’Halloween. Du coup, pas évident de trouver la motivation pour rester assise plusieurs heures d’affilée sans produire grand-chose d’intéressant. Elle devenait un opposum. Peut-etre d’ailleurs venait-elle de découvrir le signe pathognomonique de la transformation d’humain en marsupial !


« Un jour, j’ai décidé de ne plus la fermer. Du coup, j’ai commencé à écrire » Oui, ca sera super en interview dans 15 ans, mais arrête de causer et écris !


Pourtant, et même bizarrement, elle adorait écrire, et même encore plus étonnant, elle aimait les surprises que ses mains virevoltant sur le clavier lui offraient. Elle n’avait pas l’outrecuidance de se dire écrivaine, mais elle aimait constater que ses mains, elles, l’étaient. Sans hésitation, elles bougeaient selon un rythme prédéfini et connues d’elles seules, comme des girls toujours en rose qui se trémoussent sur de la zumba pour se libérer et être en paix pour quelques heures.


Ce renouveau post-écritural était jouissif… Il y a l’écume des choses, le tourbillon du rien, du bruit…et puis il y a les choses essentielles, dont souvent elle ne prenait conscience qu’après coup. Sans jamais savoir où elle allait, elle était pourtant toujours satisfaite de là où elle arrivait. Des histoires d’amour ou de choix de la rupture, elle en avait écrit des millions. Elle aimait aider son prochain et le faisait en leur offrant des bouts de texte, mais depuis qu’elle avait décidé d’écrire autrement, elle découvrait à quel point c’était salvateur pour elle-même. Il lui en avait fallu du temps… 2015 ! Indignons-nous ! Une telle lenteur de percutage cérébral (oui, percutage, parfaitement) était consternante, mais elle n’était pas du genre à se flageller bien longtemps. Elle avait désormais découvert le sot-l’y-laisse de sa capacité à écrire, et elle comptait bien le déguster. Enfin, quand ca reviendrait quoi.


« Je t’aime très fort ma chéwieeeeee, tu me manques toujours autant ». Tiens, un SMS de MuxuBlondie ! Définitivement, elle n’arriverait pas à écrire, alors tant pis, elle renonçait momentanément. Elle préférait préparer son voyage prochain au pays des Dodos, il fallait absolument qu’elle se rachète des lacets, les aglets en chou-fleu des siens lui laceraient les chevilles à chaque pas.


Depuis qu’elle écrivait, elle avait appris quelque chose d’essentiel : le manque d’inspiration était nécessaire à la créativité, comme la pattemouille l’était à une chemise bien repassée.

Elle décida d’au moins finir sa phrase, par correction envers sa feuille presque blanche, ferma le document, et n’y pensa plus.


Si la plus grande révélation est le silence, alors sa plus grande créativité littéraire se ferait sans écrire.


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